CHEVEUX COURTS, VERBE HAUT ET VENT EN POUPE ! À L’AFFICHE DE DEUX FILMS ET SUR SCÈNE FIN FÉVRIER, MONICA BELLUCCI EST TOUJOURS UNE APPARITION ÉTONNANTE. RENCONTRE AVEC UNE ACTRICE À LA FOIS DIVINE ET SINGULIÈREMENT ANCRÉE.
PAR ALIX GIROD DE L’AIN
Monica Bellucci marche vers vous, et c’est comme si sa beauté la précédait. Oui, avant même de pouvoir détailler l’ovale idéal, le regard noir velouté, le nez parfait, la bouche moelleuse, il y a cette impression que la femme qui s’avance relève plus de l’oeuvre d’art que de la simple mortelle. J’en ai rencontré de jolies actrices, mais elle, c’est différent, comme si quelque chose la transcendait. La dernière fois que j’ai ressenti ça, c’était en parlant avec Charlize Theron, et le danger, dans ce cas-là, c’est de passer à côté de la femme, comme si sa beauté la masquait. Est-ce qu’on pose à la Vierge aux rochers des questions sur ses projets professionnels ? Allez, rester concentrée, ne pas se contenter de contempler ! Heureusement, il y a sa voix, chaude, basse, poivrée d’accent italien, avec un débit calme, qui vous embarque instantanément. Et plus les minutes passent, plus on arrive à faire abstraction de la perfection des traits de la muse de Dolce & Gabbana pour entendre ce qu’elle a à nous dire.
et la voilà tenant un discours à la fois mesuré et documenté, se félicitant que tant de femmes redressent l’échine, tout en se disant préoccupée de la suspicion qu’elle sent monter entre les genres : «Il faut qu’on trouve une solution car nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres. Les hommes auront toujours beaucoup à apprendre de la “rondeur“ féminine et les femmes ne doivent pas se mettre à haïr le côté masculin en elles… Comme disait Jung, notre animus et notre anima doivent s’équilibrer. » Monica Bellucci cite Carl Jung. Normal. Plusieurs fois, elle m’étonnera ainsi, comme lorsque je lui demande ce qui la fait rire et qu’elle me répond : « La même chose que ce qui me fait pleurer! On sait que les larmes de joie et les larmes de tristesse ont à la fois la même composition chimique et un but similaire, nous libérer des tensions accumulées. J’ai lu des études là-dessus, c’est passionnant. »
Monica Bellucci s’intéresse à l’endocrinologie. Normal. Lorsqu’elle parle de son métier, elle étonne encore. Je lui demande si elle rêve de travailler avec les réalisateurs stars, Tarantino, Nolan ou autres, et elle me répond que ce qui lui fait le plus envie, c’est de découvrir des talents. Les premiers films, elle adore : « Je suis heureuse de n’appartenir à aucune famille de cinéma. En France, je passe pour une actrice italienne, en Italie, pour une actrice française, et aux États-Unis, ils ne savent pas trop et ils s’en fichent [rires]. Ça me va bien, parce que tout reste ouvert ! »
Tout reste ouvert, et elle n’hésite pas à prendre des chemins sur lesquels personne ne l’attend. Il y a de l’audace dans les choix de Monica Bellucci, comme lorsqu’elle a accepté de jouer la Callas au théâtre. « C’était ma première fois sur scène et je me réjouis de reprendre bientôt la pièce aux Bouffes Parisiens. La connexion que j’ai sentie avec le public, qui était tout près quand je jouais à Marigny, c’est quelque chose d’électrisant, qui m’a beaucoup surprise. De toute façon, sur ce projet, il n’y a eu que des choses émotionnellement fortes. Comme des signes. Je porte une vraie robe de la Callas et il n’y a pas eu besoin de retouches, elle tombe parfaitement. Le soir de la générale, un papillon, venu de nulle part, s’est posé sur mon cou un long moment avant d’aller voler vers les spectateurs. J’ai tenté de donner ma voix à cette femme en respectant son âme : elle était très forte, mais avec un côté “petit oiseau“ tellement touchant. » Là, il faut que je prenne un moment pour vous dire que Mlle Bellucci dit « poublic » et « peti-oiseau », et qu’elle fait voleter ses longues mains dans l’air pendant qu’elle parle, ce qui est proprement irrésistible. Je l’observe repousser les mèches brunes qui encadrent son front et je lui pose des questions sur cette coupe courte qui lui va si bien (hé, les cheveux, ça compte, on n’en est pas moins femmes !). « C’est une idée de mon ami de vingt-cinq ans, John Nollet, avec qui je travaille depuis le film “L’Appartement“. Ça fait longtemps que je n’avais plus eu les cheveux courts, mais j’en ai eu envie, à cause d’Anita Ekberg ! Je viens de l’incarner dans “The Girl in the Fountain“, d’Antongiulio Panizzi, c’est curieux d’ailleurs, elle a eu un peu le même destin tragique que la Callas, ces vies dont on se dit “Elles ont cherché la gloire, mais pour couvrir quel vide ?“… Bref, mon personnage dans ce film devant se transformer en Anita Ekberg, je me suis dit que le changement serait plus radical si elle était une brunette à cheveux courts au départ. » Monica Bellucci aura donc les yeux bleus et de longs cheveux blonds dans ce nouveau film. Elle me montre des photos et le résultat est stupéfiant. Elle rit, ravie de ma tête interloquée, et soupire : « C’était tellement génial de pouvoir manger pendant cecar, le jour de notre rencontre, un nouveau scandale, MeToo fait l’actualité, et la voilà tenant un discours à la fois mesuré et documenté, se félicitant que tant de femmes redressent l’échine, tout en se disant préoccupée de la suspicion qu’elle sent monter entre les genres : «Il faut qu’on trouve une solution car nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres. Les hommes auront toujours beaucoup à apprendre de la “rondeur“ féminine et les femmes ne doivent pas se mettre à haïr le côté masculin en elles… Comme disait Jung, notre animus et notre anima doivent s’équilibrer.» Monica Bellucci cite Carl Jung. Normal. Plusieurs fois, elle m’étonnera ainsi, comme lorsque je lui demande ce qui la fait rire et qu’elle me répond : « La même chose que ce qui me fait pleurer ! On sait que les larmes de joie et les larmes de tristesse ont à la fois la même composition chimique et un but similaire, nous libérer des tensions accumulées. J’ai lu des études là-dessus, c’est passionnant. » Monica Bellucci s’intéresse à l’endocrinologie. Normal. Lorsqu’elle parle de son métier, elle étonne encore. Je lui demande si elle rêve de travailler avec les réalisateurs stars, Tarantino, Nolan ou autres, et elle me répond que ce qui lui fait le plus envie, c’est de découvrir des talents. Les premiers films, elle adore : « Je suis heureuse de n’appartenir à aucune famille de cinéma. En France, je passe pour une actrice italienne, en Italie, pour une actrice française, et aux États-Unis, ils ne savent pas trop et ils s’en fichent [rires]. Ça me va bien, parce que tout reste ouvert ! »
Tout reste ouvert, et elle n’hésite pas à prendre des chemins sur lesquels personne ne l’attend. Il y a de l’audace dans les choix de
Monica Bellucci, comme lorsqu’elle a accepté de jouer la Callas au théâtre. « C’était ma première fois sur scène et je me réjouis de reprendre bientôt la pièce aux Bouffes Parisiens. La connexion que j’ai sentie avec le public, qui était tout près quand je jouais à Marigny, c’est quelque chose d’électrisant, qui m’a beaucoup surprise. De toute façon, sur ce projet, il n’y a eu que des choses émotionnellement fortes. Comme des signes. Je porte une vraie robe de la Callas et il n’y a pas eu besoin de retouches, elle tombe parfaitement. Le soir de la générale, un papillon, venu de nulle part, s’est posé sur mon cou un long moment avant d’aller voler vers les spectateurs. J’ai tenté de donner ma voix à cette femme en respectant son âme : elle était très forte, mais avec un côté “petit oiseau“ tellement touchant. » Là, il faut que je prenne un moment pour vous dire que Mlle Bellucci dit « poublic » et « peti-oiseau », et qu’elle fait voleter ses longues mains dans l’air pendant qu’elle parle, ce qui est proprement irrésistible. Je l’observe repousser les mèches brunes qui encadrent son front et je lui pose des questions sur cette coupe courte qui lui va si bien (hé, les cheveux, ça compte, on n’en est pas moins femmes !). « C’est une idée de mon ami de vingt-cinq ans, John Nollet, avec qui je travaille depuis le film “L’Appartement“. Ça fait longtemps que je n’avais plus eu les cheveux courts, mais j’en ai eu envie, à cause d’Anita Ekberg ! Je viens de l’incarner dans “The Girl in the Fountain“, d’Antongiulio Panizzi, c’est curieux d’ailleurs, elle a eu un peu le même destin tragique que la Callas, ces vies dont on se dit “Elles ont cherché la gloire, mais pour couvrir quel vide ?“… Bref, mon personnage dans ce film devant se transformer en Anita Ekberg, je me suis dit que le changement serait plus radical si elle était une brunette à cheveux courts au départ. » Monica Bellucci aura donc les yeux bleus et de longs cheveux blonds dans ce nouveau film. Elle me montre des photos et le résultat est stupéfiant. Elle rit, ravie de ma tête interloquée, et soupire : « C’était tellement génial de pouvoir manger pendant ce tournage ! Anita Ekberg était plantureuse, on tournait en Italie, alors je me suis régalée… Mais bon, à un moment, mon corps dit “basta“, j’ai 55 ans tout de même ! » J’en reste bouche bée. Une actrice de plus de 25 ans qui cite son âge avec autant de décontraction, je n’avais jamais entendu ça. Monica s’amuse de mon étonnement : « Mais ça va ! Il n’y a pas de raison de paniquer ! Je suis en paix avec ça, vous savez. Le combat contre le temps qui passe est perdu d’avance, mais je pense avoir de bons gènes, et je m’entretiens du mieux que je peux, avec du Pilates, de la natation… Il y a plein de moyens désormais de vivre mieux son âge et si je suis d’une nature prudente, je ne juge pas les femmes qui font de la médecine ou de la chirurgie esthétique. Les gens sont cruels, au nom de quoi refuserait-on aux autres le droit detournage ! Anita Ekberg était plantureuse, on tournait en Italie, alors je me suis régalée… Mais bon, à un moment, mon corps dit “basta“, j’ai 55 ans tout de même ! » J’en reste bouche bée. Une actrice de plus de 25 ans qui cite son âge avec autant de décontraction, je n’avais jamais entendu ça. Monica s’amuse de mon étonnement : « Mais ça va ! Il n’y a pas de raison de paniquer ! Je suis en paix avec ça, vous savez. Le combat contre le temps qui passe est perdu d’avance, mais je pense avoir de bons gènes, et je m’entretiens du mieux que je peux, avec du Pilates, de la natation… Il y a plein de moyens désormais de vivre mieux son âge et si je suis d’une nature prudente, je ne juge pas les femmes qui font de la médecine ou de la chirurgie esthétique. Les gens sont cruels, au nom de quoi refuserait-on aux autres le droit de faire ce qu’il faut pour se sentir mieux ? » Je lui demande si elle pense rester toujours aussi sereine sur ce sujet. Monica Bellucci a alors ce cri du coeur : « Mais j’ai tellement de chance, comment me plaindrais-je ? Mon métier me comble, j’ai deux filles magnifiques ! Je suis le produit du rêve de mon enfance, c’est ça qui compte, pas la tête que j’ai ou que j’aurai dans dix ans ! » Ses filles, ses trésors, l’actrice en parle avec un mélange d’émerveillement et de pudeur touchant. « J’ai été mère tard, et je ne recommande à personne de prendre les risques que j’ai pris, car j’aurais parfaitement pu ne jamais tomber enceinte. Mais la vie a été si généreuse avec moi ! » Deva, 15 ans « et demi », précise-t-elle et Léonie, 9 ans, vivent la plupart du temps avec elle à Paris, fréquentent une école bilingue (« mais elles parlent cinq langues », se réjouit leur fière maman) et ne donnent pas encore de signes d’irritabilité adolescente. « J’ai encore le droit de leur faire des câlins et on arrive à se parler sans hurler. Je sais qu’elles sont destinées à prendre leur envol, mais je suis philosophe, les voir grandir ne me fait pas peur, ça me fait plutôt du bien », sourit Monica. Leur père, Vincent Cassel, semble être un ex-mari parfait, et quand je lui demande comment elle a réussi le prodige d’un divorce harmonieux, la réponse fuse : « Eh bien, c’est l’amour ! Quand on a ça en commun, on finit toujours par s’entendre. » Amour, c’est elle qui a prononcé le mot et je me risque, un peu timide, sur ce terrain-là… Y a-t-il du nouveau, depuis sa séparation d’avec le sculpteur Nicolas Lefebvre l’été dernier ? Elle me regarde, espiègle, et prononce cette phrase sibylline : « Je suis dans un état de recherche fructueux. » Allons bon. J’ose : « Fructueux, en italien, je ne sais pas si c’est pareil qu’en français, mais ça veut dire “qui porte ses fruits“, donc qu’on a trouvé… » L’actrice écarte les mains et rit : « C’est vous, l’interprète ! » Je réalise alors que depuis quarante-cinq minutes, je ne pense plus du tout que la beauté de Monica Bellucci cache la femme qu’elle est vraiment.