Elle est irrésistible dans « Dix pour cent», la série tant attendue de France 2. L’actrice, également porte-parole Nivea, parle avec passion de son métier, de la beauté et de la force des femmes.
Monica Bellucci : Quand on m’a appelée pour être la guest-star du deuxième épisode de la saison 3, je me trouvais entre deux tournages, Nekrotronic, de Kiah et Tristan Roache-Turner, un film d’horreur australien, et Spider in the Web, un thriller d’Eran Riklis avec Ben Kingsley. J’étais inquiète de ne pas y arriver, car le scénario de Dix pour cent était tellement bien écrit, drôle et décalé, que je ne pouvais pas dire non. Je trouvais l’histoire intelligente, très rythmée et touchante. Dominique Besnehard [le producteur, ex-agent] a une expérience inégalée dans ce métier, il connaît l’âme des acteurs par cœur et Marc Fitoussi, le réalisateur, a été une belle découverte pour moi. On s’est amusés sur le plateau et je n’avais pas autant ri depuis le tournage d’Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, avec Alain Chabat et Jamel Debbouze.
Il faut beaucoup d’intelligence et d’humour pour jouer son propre rôle…
Monica Bellucci : Le personnage décalé que j’interprète est à la recherche d’une vie normale. Quand les hommes la reconnaissent, ils ne se comportent pas naturellement et elle n’est jamais traitée comme elle le souhaiterait. Elle aimerait être considérée non pas pour ce qu’elle représente, mais pour ce qu’elle est. Or c’est compliqué de détacher l’image de la personne. Ce sont d’ailleurs les risques de notre métier, devenir prisonnier de son image. Je pense qu’il faut avoir une certaine distance avec ce qu’on est et rester sincère. C’est pour cela que je n’aime pas mélanger ma vie privée et ma profession. Mon travail me construit une image avec les couvertures des magazines, les films, les interviews… mais ce n’est qu’une partie de moi. La vraie vie n’est ni une photo ni un film.
Il y a un vrai besoin de solitude lorsqu’on est acteur.
Dans la série, l’actrice que vous êtes n’aime pas être seule…
Monica Bellucci : C’est propre à ce métier où tout le monde est dans l’apparence. On cherche l’amour à tout prix pour être au centre et obtenir ainsi une reconnaissance. Dans la série, elle dit : « On approche de l’hiver, donc je vais avoir froid. Il me faut quelqu’un pour me tenir chaud. » Cette solitude est typique des gens qui exercent ce métier et, en même temps, il y a un vrai besoin de solitude lorsqu’on est acteur, notamment quand on crée ses personnages.
L’agent est-il important pour vous ?
Monica Bellucci : Il est primordial ! Moi, j’ai le même depuis trente ans, car je suis fidèle aux gens avec qui je travaille bien. La plupart du temps, l’agent devient le psy de l’acteur et il sait tout de lui : ses goûts, ses problèmes… Le quotidien est compliqué, car on voyage tout le temps. A 25 ans, je faisais trop de choses. Si j’avais eu un enfant, je n’aurais pas pu tout gérer ou ma carrière se serait arrêtée. J’ai toujours eu peur de ne pas être assez présente pour mes enfants. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’en avoir tard. Aujourd’hui, quand je tourne un film, je prévois de rester ensuite à la maison les quatre à six mois suivants pour m’occuper de mes filles.
Vous aimez travailler pour la télé ?
Monica Bellucci : On ne la regarde plus d’un œil un peu snob comme avant. Je n’ai pas beaucoup d’expérience mais, en 2016, j’ai adoré participer à une série américaine pour Amazon, la troisième saison de Mozart in the Jungle. Désormais, on voit des rôles magnifiques à la télé. Cela donne la possibilité aux réalisateurs, aux scénaristes et aux acteurs de s’exprimer plus longuement qu’au cinéma. J’ai le projet d’incarner la grande photographe italienne Tina Modotti, une femme très moderne pour son époque. Pour raconter son histoire, je préfère une série plutôt qu’un film, car avec six épisodes, on a le temps d’entrer dans les détails.
Nous devons apprendre à nos filles à se respecter et à se faire respecter, et à nos fils à comprendre qu’une femme n’est pas inférieure à l’homme.
Vous a-t-on souvent ennuyée ou prise pour une idiote comme on le voit ?
Monica Bellucci : Certaines idées reçues ont la dent dure : « Tu es jolie, tu es conne. » Cela a pris beaucoup de temps avant que les femmes soient respectées dans les métiers artistiques. Auparavant, pour qu’une actrice ait une carrière, elle devait être liée à un producteur. Dorénavant, les comédiennes sont libres et travaillent avec de multiples producteurs et réalisateurs.
Que pensez-vous de #MeToo ?
Monica Bellucci : Je trouve que les Américaines sont vraiment des battantes. Ce que j’admire, c’est qu’elles n’ont pas peur de parler, alors qu’en Europe, on fait encore très attention à ce qu’on dit. Tout ce qui s’est passé dernièrement commence à faire un peu évoluer les choses. Nous, les femmes, nous sommes différentes des hommes. Il faut maintenir cette différence, mais il faut une égalité sociale. Moi, j’aime profondément les hommes, j’en ai besoin pour vivre. Je ne pense pas qu’il faille mener une lutte contre eux, c’est juste une histoire d’apprentissage. Notre culture leur a toujours dit qu’ils étaient supérieurs. C’est donc l’éducation reçue qu’il faut simplement changer ensemble. Nous, les mères, nous devons apprendre à nos filles à se respecter et à se faire respecter, et à nos fils à comprendre qu’une femme n’est pas inférieure à l’homme. C’est pareil pour l’image que les femmes ont d’elles-mêmes : on leur a fait croire qu’après 40 ans, une femme qui ne pouvait plus procréer était comme morte. Or elles découvrent qu’elles peuvent être magnifiques et très sexy après 50 ans. Elles ont accès à un regard sur la vie qu’elles n’avaient pas avant.
Vous êtes maman de deux filles, quelles valeurs leur transmettez-vous ?
Monica Bellucci : Je fais de mon mieux et, malgré cela, je commettrai plein d’erreurs. Je leur dis que tout est possible : donner le biberon au bébé et piloter un avion si elles le souhaitent, et leur homme pourra rester à la maison pour s’occuper des enfants sans se sentir humilié. Il faut comprendre que nous sommes interchangeables, les femmes peuvent exploiter leur côté masculin et les hommes leur part féminine.
La vie est un état d’âme.
Vous avez toujours su garder votre indépendance, vous savez dire non ?
Monica Bellucci : Ce n’est pas facile pour les femmes, mais il faut apprendre à dire non. Mon passé de mannequin m’a beaucoup aidée, car j’arrivais dans le cinéma avec l’envie d’y accéder mais non le besoin, et j’ai fait attention à certains comportements. La plupart du temps, quand une actrice se trouve dans une situation compliquée avec un producteur, son problème n’est pas seulement de devenir comédienne mais de gagner sa vie.
Vous êtes radieuse et battante ! C’est une belle période pour vous ?
Monica Bellucci : La vie est un état d’âme. Je découvre qu’être une femme adulte, c’est merveilleux. On accède à d’autres niveaux de maturité très intéressants. La créativité d’une femme ne s’arrête jamais.
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