October 16, 2020

Monica Bellucci sera à l’affiche pour l’ouverture de la saison 2020-2021 au théâtre princesse Grace, jeudi 15 octobre 2020.

L’actrice italienne se glissera sous les traits de Maria Callas pour des lectures exceptionnelles des Lettres et Mémoires de la célèbre cantatrice (1). Monaco Hebdo l’a interviewée avant cette grande première en principauté.

Fermé depuis plusieurs mois en raison de l’épidémie de Covid-19, le théâtre princesse Grace (TPG) va enfin rouvrir ses portes jeudi 15 octobre 2020. Et pour l’ouverture de sa saison, l’institution monégasque a vu les choses en grand, puisque c’est l’actrice italienne Monica Bellucci qui montera sur scène pour lire les Lettres et Mémoires (2) de la cantatrice grecque Maria Callas (1923-1977).

« Je vais communiquer à travers les yeux »

« C’est un grand honneur pour moi d’ouvrir cette saison théâtrale, surtout dans un moment un peu compliqué comme celui-là », a confié l’actrice à Monaco Hebdo, impatiente de retrouver les planches et son public. « C’est tellement important pour tout le monde de pouvoir continuer à avoir un contact avec le spectacle, avec l’art… Parce que cela nous aide un peu à oublier ce moment difficile », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « L’art nous relie tous. Dans une période de restrictions comme celle-là, on a l’impression qu’à travers l’art on arrive à toucher quelque chose de plus haut, qui nous sort de ce quotidien qui aujourd’hui est à vif. Il est important que dans des moments aussi difficiles, la culture continue à exister, et que, malgré les difficultés, les gens continuent à aller au théâtre, au cinéma… pour se détacher de ce quotidien ». Et qu’importe si la diva du cinéma se produira au théâtre princesse Grace devant une salle clairsemée et des spectateurs masqués en raison des mesures sanitaires en vigueur. L’artiste a sa petite idée pour faire passer les émotions : « On dit que les yeux sont la fenêtre de l’âme. Le public aura un masque, mais il n’aura pas les yeux bandés. Du coup, moi je vais communiquer à travers les yeux ». Avec les yeux donc, mais aussi avec la voix puisque Monica Bellucci sera sur scène pour des lectures exceptionnelles des Lettres et Mémoires de Maria Callas. Grâce à son timbre de voix suave inimitable, l’artiste fera défiler sous nos yeux, et dans nos oreilles, la vie intense de la grande cantatrice.

« Faire du théâtre, c’est de l’artisanat »

Ce contact avec le public est quelque chose de nouveau pour l’artiste italienne de 56 ans, qui a fait ses débuts au théâtre avec ce spectacle, en novembre 2019 au théâtre Marigny, à Paris. « Me confronter au public de cette manière est vraiment une nouvelle expérience pour moi, parce que j’ai toujours fait du cinéma. Faire du théâtre me crée un contact et une synergie complètement nouvelle avec le public », souligne l’icône du grand écran. « Quand on fait du cinéma, l’acteur voyage d’une autre manière par rapport à l’œuvre. L’œuvre voyage toute seule. Alors que, quand vous faites du théâtre, l’œuvre et l’acteur voyagent ensemble. Et cela crée une situation de rapport avec le public qui est complètement différente ». Pour elle, monter sur les planches s’apparente davantage à de l’artisanat. « Si on fait une comparaison avec la mode, c’est comme si on voyait le couturier en train de coudre la robe. Alors que quand on fait du cinéma, c’est un travail d’équipe. Tout le monde (réalisateur, acteurs…) apporte quelque chose. Et à la fin, il y a un film. Quand on fait du théâtre, c’est de l’artisanat ». Un « travail en direct », devant un public que Monica Bellucci juge encore plus délicat qu’au cinéma : « C’est quelque chose de beaucoup plus personnel, et sûrement même de beaucoup plus fragile. Parce qu’(au théâtre) on voit un acteur à l’œuvre qui construit son travail, minute après minute. Et du coup, on rentre, on pénètre dans le travail de l’acteur, dans sa manière la plus privée ».

  
Monica Bellucci dans le rôle de Maria Callas © Photo Tom Volf

« Il est important que dans des moments aussi difficiles, la culture continue à exister et que malgré les difficultés, les gens continuent à aller au théâtre, au cinéma… pour se détacher de ce quotidien » Monica Bellucci

« Excitation et peur »

D’ailleurs, malgré la soixantaine de films à son actif (Matrix (2003), 007 Spectre (2015), Dracula (1992), Irréversible (2002), Les Larmes du soleil (2003)…), Monica Bellucci reconnaît avoir toujours un peu d’appréhension au moment de monter sur scène. « Ce n’est pas vraiment du stress. Je dirais plutôt que c’est un moment où, d’un coup, il y a une forme d’excitation, et une petite forme de peur aussi, parce qu’on est à vif », décrit l’artiste italienne. « Quand tu montes sur scène, tu ne sais pas ce qui va se passer. C’est ça la beauté (du théâtre) et aussi cette fragilité qui est belle, parce qu’elle est vraie. J’ai toujours cette sensation, ce mix entre les deux, entre l’exaltation et cette forme de peur au moment de monter sur scène ». Des émotions qu’elle ne ressent pas forcément quand elle tourne un film. « Au cinéma, tu es protégée par une caméra. Et en plus, tu es dans une équipe où tu rentres un peu comme dans une famille. Si tu te trompes, tu peux la refaire [la scène – N.D.L.R.]… Il y a, en quelque sorte, une forme de protection au cinéma. Alors qu’au théâtre, c’est direct. On dit que le théâtre révèle l’âme des gens, parce qu’on te voit pour ce que tu es », affirme la star italienne. Malgré cette peur, Monica Bellucci n’a pas hésité longtemps avant d’accepter le rôle proposé par Tom Volf, réalisateur du documentaire Maria by Callas (2017) et metteur en scène du spectacle. « Tom Volf a pensé à moi pour ce rôle. On s’est rencontré, il m’a donné une lettre et une mémoire. Je les ai lues et j’ai trouvé ça tellement beau que mon « oui » est parti tout seul. Et un mois après, j’étais au Marigny devant un public, pour la première fois toute seule sur scène », raconte Monica Bellucci. Quant aux raisons qui ont poussé Tom Volf à la choisir, la star de cinéma avoue ne jamais lui avoir posé la question. « Je ne sais pas. Je pense que mon côté méditerranéen pouvait, pour lui, représenter quelque chose qui pouvait nous lier », explique-t-elle. Avant de préciser : « Même si elle est née à New York, Maria Callas était de parents grecs. Elle a vécu beaucoup en Italie, elle était mariée avec un Italien, du coup elle était très liée à l’Italie. On chante aussi beaucoup les opéras en italien, donc c’était devenu sa deuxième langue qu’elle maîtrisait très bien. Et je pense que même dans le fait qu’elle voyageait beaucoup, il y avait ce côté international avec une « méditerranéité » de base. Peut-être que Tom Volf a vu des similitudes à travers tout ça ».

« Plus Maria que Callas »

Dans une ambiance intime, feutrée, Monica Bellucci retrace le parcours de la chanteuse lyrique de New York à Paris, en passant par Athènes et Monaco, où elle vécut avec Aristote Onassis (1906-1975), et côtoya le couple princier Grace Kelly (1929-1982) et Rainier III (1923-2005). Ce spectacle est l’occasion pour le public de (re)découvrir l’histoire vraie de celle qui était considérée comme la plus belle voix du monde. Mais qui était aussi une femme vulnérable, déchirée entre sa vie sur scène et sa vie privée. La diva de l’opéra disait d’ailleurs d’elle-même : « Il y a deux personnes en moi, Maria et la Callas ». Sur scène, Monica Bellucci confie porter davantage le visage de Maria que celui de la Callas. « Ce que j’amène sur scène, c’est plus Maria que Callas. Je vais incarner la partie la plus privée, la plus sensible. Celle que juste les amis intimes ou les personnes qui l’ont vraiment aimée connaissaient. Il y avait en elle cette âme d’artiste, mais il y avait aussi toute la sensibilité et la fragilité qui allaient avec », affirme-t-elle. Avant de reconnaître avoir été touchée par la personnalité de Maria Callas : « C’est une dualité très intéressante entre cette femme qui était si connue et reconnue. D’ailleurs, les gens n’allaient pas seulement voir l’artiste sur scène, mais aussi Callas la femme et ce qu’elle représentait. Et au final, dans la sphère privée, Maria Callas était une femme avec un cœur simple. Et c’est pour ça que ça lui a coûté la vie ».

« Beaucoup de femmes d’aujourd’hui se retrouvent dans Maria Callas »

L’actrice italienne ne cache d’ailleurs pas son admiration pour la chanteuse lyrique. « Je pense que Maria Callas représente un peu toutes les femmes. Beaucoup de femmes d’aujourd’hui se retrouvent dans cette femme qui s’est battue pour sa liberté, pour ses idées, pour les amours qu’elle a vécus avec ses risques et périls », souligne-t-elle. Ce qui touche Monica Bellucci, c’est l’authenticité et la sincérité du personnage : « C’est une femme qui a demandé le divorce dans un moment où le divorce n’était pas encore concédé aux femmes par exemple. C’est une femme qui a vécu, qui a pris des décisions et souvent avec son cœur. Je crois que c’est cette recherche de vérité qui fait encore aujourd’hui de Maria Callas une femme très émouvante ». Une femme que la comédienne incarne parfaitement sur les planches. D’ailleurs, Monica Bellucci s’est rapidement mise dans la peau de Maria Callas. L’actrice porte même une robe qui a appartenu à la chanteuse d’opéra. « C’est presque comme rentrer dans sa peau. Dès que j’ai mis ces robes, j’étais dedans sans faire de retouche, sans rien, comme si c’était un destin. C’est comme ça qu’on l’a pris. Comme si Maria était, en quelque sorte, avec nous », ressent l’artiste. Sur scène, un canapé, reproduction exacte de celui que possédait la Callas dans son appartement parisien, et un gramophone sur lequel la diva écoutait ses propres enregistrements, donne encore plus corps à cette présence. Le public est comme transporté dans le salon de Maria Callas, afin de partager avec elle un moment d’intimité.

« Une femme qui chantait avec l’âme »

La transformation de Monica Bellucci est particulièrement spectaculaire, et le rôle de la Callas lui sied à merveille. Il faut dire que l’Italienne le connaissait déjà un peu pour avoir interprété le rôle d’une cantatrice flamboyante sur grand écran : « J’ai fait une série télévisée américaine qui s’appelle Mozart in the jungle(2014), avec Gael Garcia Bernal. Et déjà, à cette époque, je devais jouer une chanteuse d’opéra. Pour préparer ce rôle, j’avais regardé la vie de certaines grandes chanteuses d’opéra, comme Maria Callas. Ce qui m’a permis de comprendre un peu certaines choses ». Quant à la voix de Maria Callas, considérée comme « la voix du siècle », Monica Bellucci reconnaît y être particulièrement sensible. « Maria Callas avait une voix unique dans le monde l’opéra. Elle avait étudié depuis qu’elle était enfant. On voit que c’est une femme qui a sacrifié toute son enfance et son adolescence pour les études. Avec une mère derrière elle qui était très dure, qui voulait le meilleur résultat pour sa fille. Je ressens, c’est que c’était une femme qui chantait avec l’âme. Je pense que c’est ce qui la rendait touchante ». Jeudi prochain, la voix la plus mythique du XXème siècle reprendra vie dans le cadre magnifique du TPG, à travers la voix d’une autre icône, celle de Monica Bellucci. Un rendez-vous à ne pas manquer.

Vidéo : notre entretien avec Monica Bellucci à l’Opéra Garnier de Monte-Carlo

 

1) Maria Callas : Lettres et mémoires avec Monica Bellucci, jeudi 15 octobre 2020, à 20h30 au théâtre princesse Grace (TPG), 12 avenue d’Ostende, à Monaco. Infos billetterie : par téléphone (+377) 93 25 32 27 ou par email [email protected].

2) Lettres et mémoires, Maria Callas, textes établis et traduits par Tom Volf (Albin Michel), 608 pages, 25 euros.

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