C’est une bombe latine qui nous ensorcelle de sa beauté depuis des années. Femme, actrice, mère de deux petites filles, Monica Bellucci dit que les plus belles choses lui sont arrivées à la quarantaine. Rencontre avec une femme qui, au lieu de s’effrayer des années qui passent, fait exulter son corps.
Monicca Bellucci, bien dans ses baskets
Marie Claire : Vous employez souvent le mot « libre ». Vous vous sentez plus libre aujourd’hui qu’à 20 ans ?
Monica Bellucci : Oui. J’ai moins peur, je me sens mieux dans mes baskets. J’ai choisi un métier de liberté, qui a aidé ma vie de femme. Je peux emmener mes enfants partout avec moi, les allaiter sur un plateau. Si j’ai envie de prendre cinq mois, je les prends. Ma manière de vivre m’a fait échapper aux règles de la société. J’ai une vie « border-line ». Mon instrument de travail, c’est moi. Je n’appartiens à personne. Je ne dépends de personne. Si c’est pas ça, la liberté
C’est aussi un signe de liberté d’avoir eu des enfants tardivement ?
Je suis très heureuse de mon choix, mais je ne suis pas un exemple à suivre. Les grossesses tardives peuvent être très dangereuses. J’ai eu beaucoup de chance ; les miennes se sont bien passées. Jeune, je n’étais pas faite pour avoir des enfants. Quand j’avais 25 ans et que j’allais chez mes copines qui en avaient déjà, j’étais triste pour elles. Moi je pouvais sortir, aller au restaurant quand je voulais, prendre juste un bagage et partir loin. Quand tu es mère, tu ne peux plus le faire sans culpabiliser. Et je n’ai pas envie de me sentir ainsi. Pour moi, la maternité c’est tout donner. Et pour faire ce don de soi, j’ai d’abord un besoin de vivre. Je n’ai pas vraiment le temps de sortir, je suis toujours avec mes filles. Mais ça n’a jamais été un sacrifice. Avec elles, je suis passée à l’âge adulte. Dans mon travail, la référence est toujours moi-même, et là j’ai appris à m’oublier. J’ai laissé l’ego de l’enfance. Je pourrais donner ma vie pour elles. Elles sont ma priorité absolue.
Craigniez-vous de dire votre âge ?
Non. Je vis la fin de la beauté pure, biologique, la beauté de la jeunesse. Je ne suis pas triste de la voir partir.
Vous n’éprouvez pas de nostalgie ?
Non, pas du tout. Au contraire : je suis très curieuse de voir quelle force je vais avoir pour affronter ce passage. Je suis assez en paix. Je n’ai plus envie d’avoir 20 ou 30 ans. Je veux être une femme dans sa quarantaine bien vécue. Aujourd’hui je me sens bien. Ce n’est pas être belle, c’est se sentir belle qui compte. C’est travailler l’intérieur pour être bien à l’extérieur. Pas le contraire.
Vous sentez-vous une femme de votre âge ?
Qu’est-ce ça veut dire « une femme de mon âge » ? Bien sûr, le temps a passé. La vérité, c’est que les plus belles choses de ma vie sont arrivées à 40 ans. J’ai eu mon premier bébé à 40 ans, mon second à 45. J’ai signé mon premier contrat de beauté à 42 ans, avec Dior. Du coup, la quarantaine, pour moi, ça ne veut rien dire.
En tant qu’actrice, a-t-on le droit de vieillir ?
Si on le vit bien, oui. Tout dépend de ce qu’on dégage, et on dégage ce qu’on ressent. Si tu es en connivence avec toi-même, les gens ont envie de toi.
Vous ne sentez pas de pression ?
Non. Je viens de faire deux films. Chez nous, les femmes mûres ont toujours des rôles sexy : Charlotte Rampling, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Nathalie Baye… En Europe, les comédiennes travaillent beaucoup plus qu’aux Etats-Unis. Elles ont la possibilité d’exister indépendamment de leur âge.
Monica Bellucci, une sensualité animale
Marie Claire: Le cinéaste Giuseppe Tornatore dit de vous que vous êtes « un étourdissement érotique ». Avez-vous toujours assumé d’être un objet de désir et de fantasme ?
Monica Bellucci: (Elle éclate de rire.) Je pense à ma tête, le matin, lorsque je n’ai pas dormi de la nuit, que j’ai allaité et que mes enfants sont malades ! Je pense que la sensualité est belle quand elle est naturelle. Elle est sauvage et fait peur, on ne peut pas la cadrer. Ça, tu l’as ou tu ne l’as pas. C’est animal.
Vous semblez extrêmement à l’aise dans votre corps…
Mes parents m’ont élevée d’une manière très libre et, du coup, je n’ai aucun problème avec la nudité. Et puis j’ai été mannequin, comédienne ; mon corps est alors devenu mon instrument. J’ai toujours été attirée par les corps nus, l’art de mère Nature, les mains, le visage, le ventre, la bouche. Je suis à l’aise dans mon corps, mais ça ne veut pas dire qu’il est parfait. Je le suis, défauts compris. Je n’ai pas du tout un corps de mannequin, je ne suis pas filiforme.
Quand avez-vous compris que vous étiez belle ?
Lorsque je suis sortie de l’enfance, à 13 ans. A la rentrée de septembre, je n’étais plus la même. Mon corps avait changé, les regards des autres enfants sur moi avaient changé. J’avais acquis un pouvoir.
Vous n’étiez pas embarrassée par cette beauté ?
Non, au contraire ! Car ce n’était pas une question de beauté proprement dite, j’étais très heureuse de devenir une femme. Toute jeune, je me sentais prisonnière d’un corps d’enfant, d’un corps pas fini.
Que perd-on et que gagne-t-on avec l’âge ?
La seule chose que je perds, ce sont des années de vie. La maladie me fait peur. Mais la vieillesse en soi, le temps qui passe, ne m’effraient pas. Je ne suis pas obsédée par les rides. Pour le moment. Revoyons-nous dans dix ans, je vous dirai peut-être autre chose ! Je les vis peut-être bien car je n’en ai pas beaucoup. Mais même sur les autres… J’aime beaucoup les femmes qui font attention à elles d’une manière intel-ligente, sans être esclaves des diktats d’une jeunesse à tout prix. J’aime cette force mentale chez une femme. Ça ne veut pas dire ne rien faire, ça signifie faire les choses intelligemment.
Avez-vous été tentée par la médecine ou la chirurgie esthétiques ?
Le problème est que je vois tout sur les autres. Et ça ne me plaît pas. Donc pas pour le moment. Mais je n’ai rien contre. Quelle image de la féminité et de la vieillesse votre mère vous a-t-elle donnée ? Elle a 66 ans et vit bien son âge. La chirurgie plastique ne fait pas du tout partie de sa vie. Je pense qu’il y a une féminité à laquelle on ne peut pas échapper, transmise, comme on donne la couleur des yeux ou des cheveux. Je viens d’une famille où les femmes sont très féminines et passionnées par les talons hauts.
Monica Bellucci: “J’ai envie d’être très vieille.”
Marie Claire: Avez-vous changé de goût pour les vêtements au fil du temps ?
Monica Bellucci: Oui. Je ne porte plus de vêtements très serrés, de minijupes avec des bottes, comme lorsque j’avais 20 ans. Je me sentirais ridicule.
Si vous deviez définir la femme que vous êtes aujourd’hui ?
(Silence.) Je suis beaucoup plus en paix. Moins angoissée. J’aimerais arriver à la mort et pouvoir la regarder en face. J’ai envie d’être très vieille pour voir comment je réagis au corps qui change, qui m’abandonne, qui rétrécit, au point où l’enveloppe n’a plus d’importance. Le moment, aussi, où les enfants n’auront plus besoin de moi et feront leur vie.
Y a-t-il une grande différence entre votre image et la personne que vous êtes vraiment ?
Mon image fait partie de ce que je suis. Mais c’est une toute petite part, compa-rée à tout le reste.
L’expression « l’homme de ma vie » a-t-elle un sens pour vous ?
Elle n’en avait pas avant. Elle en a aujourd’hui car cela fait seize ans que je vis avec un homme. Mais je n’ai jamais voulu avoir un « homme de ma vie ». Je trouvais ça anachronique, un peu démodé, un peu ridicule. La vie m’a révélé que je n’étais pas celle que je pensais être ; je suis, en effet, dépendante de l’amour.
Si je vous dis « vieillir », quelle image, quelle pensée vous viennent ?
Ma grand-mère. Je dormais avec elle. J’adorais son parfum, il me rassurait. J’aimais ma grand-mère, avec ses ongles faits, son rouge à lèvres avant d’aller à la messe. Elle avait un respect d’elle-même, de sa féminité. Ma grand-mère, je ne la voyais pas comme une femme âgée mais comme une jolie femme.
Vos plus grands plaisirs dans la vie, aujourd’hui ?
Ma famille, parce qu’on n’est pas tout le temps ensemble. Quand on se retrouve, on dort tous dans le même lit, comme des gitans.